Darius

peintre-encrier

Danse

Compagnie V.O. Olivier Viaud


C’est une nouvelle collaboration avec la compagnie V.O. olivier Viaud, cette fois avec le danseur Patrick Cheradame. J’ai été invité par la compagnie pour participer à une résidence, les 4 et 5 août 2023, à La Coopérative Chorégraphique au Sépulcre à Caen, pour “Marcel” solo pour Patrick Cheradame.

Six ans après mon exposition au Sépulcre, lieu réservé exclusivement à la danse depuis, je retrouve ce lieu magique pour une première performance devant un public, où nous avons dialogué avec Patrick sur deux pièces du solo “Marcel”. Cette expérience, nouvelle pour moi, a surtout mis en évidence l’alchimie émouvante de la rencontre et de la connivence entre la danse de Patrick et ma pratique très gestuelle de l’encre.

Une restitution a été faite devant une trentaine de personnes le samedi 5 août.


Voici quelques captures vidéo réalisées pendant la restitution : https://youtu.be/p232hxB8zjl.


Et une série de photos, prises pour la plupart par Patrick Gheleyns, pendant un filage et et la restitution.

Filage


restitution pièce n°3


Restitution pièce n°4


Fin


Une première collaboration avec le chorégraphe et danseur Olivier Viaud (compagnie V.O.) s’est concrétisée autour d’une exposition en juillet 2019 dans l’église St-Nicolas à Caen (https://youtu.be/9gSuaw5VVZQ).

Spécialiste de la danseuse Marie-Louise Fuller, dite  « la Loïe Fuller », il y a vu, notamment dans la grande encre exposée à Saint-Rémy-sur-Orne en 2018, une partition dansée pour la Loïe Fuller. Olivier Viaud a créé une compagnie de danse contemporaine en 1989 à Mulhouse, pour venir s’installer à Caen depuis 1997. Il a monté des spectacles chorégraphiques et théâtraux inspirés de la vie et de l’art de « la Loïe Fuller », comme « Dancing Doves » sur la jetée d’Arromanches avec les danseurs Patrick Chéradame et Véronique Ben Ahmed.

Extraits de Loïe Fuller Ma vie et la danse aux éditions l’oeil d’or (mémoires et miroirs) :
page 26 « … Deux de mes amies, Mme Hoffman et sa fille, Mme Horsack, venaient, de temps en temps, voir où j’en étais de mes découvertes. Lorsque je trouvais un geste ou une attitude qui avaient l’air de quelquechose, elle disait : « gardez cela, répétez-le ». Finalement je pus me rendre compte que chaque mouvement du corps provoque un résultat de plis d’étoffe, de chatoiement des draperies mathématiquement et systématiquement prévisible.
La longueur et l’ampleur de ma jupe de soie m’obligeaient à plusieurs répétitions du même mouvement pour donner à ce mouvement son dessin spécial et définitif. J’obtenais un effet de spirale en tenant les bras en l’air tandis que je tournais sur moi-même, à droite puis à gauche, et recommençais ce geste jusqu’à ce que le dessin de la spirale fût établi. La tête, les mains, les pieds suivaient les évolutions du corps et de la robe… »
page 27 « Mais, il est bien difficile de décrire cette partie de ma danse. On la voit et on la sent : elle est trop compliquée pour que des mots parviennent à la réaliser… »

Le travail de peintre encrier que j’ai entrepris depuis plus de dix ans maintenant, trouve un écho dans celui réalisé jadis par Loïe Fuller autour de ses « expérimentations corporelles ». Comme elle l’indique elle-même très bien dans ses écrits, et comme le rappellent Olivier Viaud et Véronique Ben Ahmed autour de leur pratique personnelle de la danse en général, mais aussi et surtout de celle de Loïe Fuller, l’un des aboutissements majeurs de son travail est de faire disparaître le corps dansé au profit de l’apparition du geste sans chercher à fournir aucune explication sur sa genèse, provoquant ainsi fascination et émerveillement chez le spectateur. Ma démarche est inversement identique à celle de Loïe Fuller, une sorte d’expérimentation en miroir dans laquelle le corps, toujours lui, est au centre du dispositif. Mes interventions sur de grands formats me permettent de matérialiser, de « tracer », avec l’encre sur le papier, l’empreinte du corps en mouvement, avec toute sa dynamique dans l’espace et se jouant du temps pour donner naissance à des volutes gestuelles. On ne voit pas le corps, ni le dispositif qui a permis la réalisation de ses traces et pourtant il joue un rôle majeur. La peinture devient un moyen de matérialiser ce que le corps nous offre. Ce n’est pas un hasard si Olivier Viaud et Véronique Ben Ahmed ont immédiatement vu dans mes encres une sorte de partition écrite des volutes de Loïe Fuller.
Le passage ci-dessus, extrait du livre de Loïe Fuller, renvoie, par ce qui est exprimé au travers des mots choisis, à ma pratique d’encrier expérimentateur. En effet je parle volontiers de découvertes, de ce que le papier a à m’offrir, de gestes intéressants (« qui avaient l’air de quelquechose »)… L’idée même de répéter à l’envie ces gestes me touche énormément dans ma pratique et en est même l’essence. Cela permet d’explorer par des variations ténues l’immensité des territoires que nous avons à notre portée, sans nous interdire l’accident générateur de nouvelles trajectoires et donc de nouveaux espaces.

Lorsque Loïe Fuller aborde la prévisibilité du résultat sur l’étoffe, de tel ou tel mouvement du corps, je l’interprête, en m’appuyant sur ce que je ressens dans ma pratique, comme sa propre intériorisation de ce que sont les mouvements en question projetés dans son art, lui donnant plus de liberté pour poursuivre son exploration du corps en mouvement.

Darius

Marie-Louise Fuller dite Loïe Fuller a dit « Je suis la première à sculpter la lumière ». De fait, par le jeu de ses bras, prolongés par des baguettes et amplifié par des voiles, elle fût la première à révéler que la notion de geste, de gestuelle, puisse être danse à part entière, une danse en cela opposée à la majorité des formes de danse qui partent des pieds ou des jambes. Par voie de conséquence, son influence est considérable dans le domaine des Arts Plastiques. De plus, grâce à la lumière s’accrochant surtout au matériau voile, faisant disparaître le corps de la danseuse, il n’apparaît aux yeux des spectateurs que le geste lui-même, sans que l’on puisse en déterminer la genèse. L’effort de la danseuse, considérable pour obtenir ces effets est, lui, invisible. Ces gestes continus, amples, sinueux mais aussi, et c’en est le paradoxe, en perpétuelles métamorphoses, offrent des visions fugaces dont la vision du spectateur peine à garder la trace. Loïe Fuller a d’une certaine manière réinventé le corps de la danseuse ; hors norme ou hors corps – hors des limites corporelles -, pourrait-on dire : en le plaçant au service exclusif de l’apparition et disparition du mouvement.

Véronique Ben Ahmed, Olivier Viaud


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Thème par Anders Norén