Nous avons mis une semaine avec Jean-Yves, Antoine, Didier, Cindy, Jean et Catnat pour mettre en place l’exposition. La salle principale est différente des lieux patrimoniaux, principalement au niveau des matériaux, mais aussi des volumes plutôt organisés dans l’horizontalité.
De nombreux changements ont eu lieu entre nos prévisions et la réalité des lieux. La grande encre s’est imposée comme étant l’élément central de l’installation. Nous avons visité les lieux à différents stades de la rénovation. Après plusieurs propositions, l’idée de la suspendre dans la partie gauche de la grande salle avait été retenue, se refermant sur elle-même, comme un ruban de Mœbius. Les spectateurs auraient pu tourner autour de l’encre, sans jamais la voir en entier ni sans jamais s’arrêter de tourner… se retrouvant ainsi devant une encre qui n’a ni début ni fin à l’image de la vidéo. Nous avons vite abandonné l’idée car elle nécessitait une structure auto-portante délicate à mettre en place dans un lieu public, et de surcroît cela aurait bloqué la circulation dans la salle dont la largeur n’est pas aussi conséquente que nous l’imaginions. Il fallait trouver autre chose. Nous partîmes alors sur l’idée de la faire courir sur le mur de gauche jusqu’au fond de la salle, et même au-delà (la salle faisant environ vingt mètres de long), puisqu’elle aurait fini sa course sur le mur du fond. Nous en restions là jusqu’à l’installation dans les locaux terminés. Nous n’avions pas pensé qu’il allait y avoir de grands radiateurs verticaux sur le mur de gauche, rendant impossible le passage de l’encre le long du mur.
Nous sommes revenus à l’une des premières propositions, utilisée au Sépulcre, qui consistait à suspendre à l’horizontal l’encre flottant le long du mur de gauche. Cette dernière étant relativement lourde (1.33 m x 24 m en 200 g/m2, soit 6,384 kg), de la ficelle de coton blanc assez fine et des baguettes en dessous suffirent. La forme triangulaire des ficelles en perspective les unes des autres apportaient une dimension architecturale mais discrète à l’installation. L’encre flotte à quelques centimètres du sol avec une montée progressive vers le fond de la salle, où elle se perd dans la pénombre, avant de finir sa course enroulée, ne la dévoilant pas entièrement aux regards des visiteurs. Dans le fond de la salle, un espace intime, discret et resseré permet une vision rapprochée et frontale sur les grands motifs de l’encre.
Une petite encre étroite, longue de quatre mètres a été épinglée sur le mur accompagnant la grande encre, comme un oiseau pique-bœuf.
Nous étions partis sur l’idée de suspendre un grand calque entre les deux pièces pour y projeter la vidéo, la rendant visible de chaque côté de la pièce. Le calque, acheté pour l’occasion, ne marchait pas, renvoyant une image fade. Nous choisîmes de faire la projection sur le mur du fond, dans une sorte de pénombre qui la met en valeur dès l’entrée dans la grande salle. Nous avons pris soin de décaler légèrement vers la droite la forêt, l’image visible en entrant dans la pièce, mais difficilement compréhensible de loin, attire le visiteur.
La forêt devient relativement modeste. Nous avons quand même conservé une circulation autour et à travers, avec une densification des arbres vers le centre occupé par une lumière suspendue qui renvoie à l’idée de la mine.
En décalant la projection de la vidéo sur le mur du fond, nous avons créé un espace de respiration au centre de l’exposition.
Une série de grandes encres présentées suspendues dos-à-dos à l’entrée de la grande salle, ouvrait des perspectives inattendues sur les travaux exposés sur les murs. Cette série a été réalisée sur un papier étonnant, légèrement beige sur une face et ressemblant, dans sa texture, à un tissus qui ne se froisserait pas (ne laissant aucune trace après un pliage). Il provoque un fort contraste de l’encre. Nous avons repris la triangulation des ficelles de la grande encre pour suspendre cette série. L’encre qui clôture cette série est assez foncée, elle fait le lien avec les encres noires de la partie droite de la salle, qui sont dans les proportions du nombre d’or (1,6…) c’est-à-dire un rectangle relativement allongé. Les parties noires de ces encres procèdent en superposition et transparence. C’est une voie à explorer !
Les quatres encres « plumes » mises sous verre ont été placées sur un petit support, clin d’oeil à l’exposition du Sépulcre.
Un trait horizontal, réalisé avec un alignement de petits cadres carrés suspendu chacun par deux fils, annonce l’exposition en faisant un lien avec les expositions précédentes. J’ai mis des coulures sur papier japonais (exposition avec les amis japonaises et Hamid Tibouchi en 2013 au Vieux St-Sauveur à Caen), et des encres sur fond jaune (exposition HomeArt au P’tit Lieu à Caen). En face deux alignements verticaux, toujours très graphiques, avec les mêmes petits cadres carrés, présentent deux nouvelles séries. Je n’ai pas mis de verre dans les cadres pour mieux faire jouer la lumière naturelle sur le papier saturé d’encre noire, créant en séchant un relief hasardeux du papier.
La cage d’escalier devait donner envie au visiteur de poursuivre naturellement sa déambulation vers l’étage et la médiathèque. Nous avions imaginé au départ un vaste pêle-mêle dans lequel des encres au format raisin se superposeraient sur deux plans devant le mur de la cage d’escalier. Il s’agissait de retrouver les sensations que Jean-Yves et Antoine avaient éprouvées lors de leur visite dans l’atelier, quand j’avais étalé sur mes grandes tables toutes les nouvelles encres. L’idée était intéressante mais complexe à réaliser. Finalement nous avons installé deux grandes encres sur toile de verre et fait une installation à l’étage avec les encres de 4 mètres de long et de 20 centimètres de large en laissant la fin des encres roulées au sol. Comme ultime clin d’œil à l’exposition du Sépulcre et en hommage au travail de l’équipe de bénévoles et d’élus de Saint-Rémy-sur-Orne en mettant en place une très réussie médiathèque, j’ai placé au milieu des livres de l’étage mes boîtes représentant autant de livres ouverts au regard…
D., 2018.